mardi 28 avril 2009

Narcose

Dans le salon silencieux, le téléviseur projette, comme un forcené, son halo lumineux d'images incertaines. A y regarder de plus près, il s'agit du visage de Michel Drucker, les traits davantage tirés derrière un micro immobile.

Sur la table de la salle, les restes du repas de midi. Partout dans la pièce, et plus loin, l'odeur prégnante du bœuf bourguignon.

Comme une anomalie en cette saison.

Sur le tapis persan, gît un livre éventré. Quelques pages se sont froissées.
Comme des Lambeaux.

Une main pend juste au-dessus, les doigts décrispés dans leur moiteur.
Le pouls est pâle.

Au-dehors, les Tuileries brillent presque dans une allure assourdissante et des familles nombreuses se laissent porter aveuglément sur des épaules réjouies.

Dans la seule chaleur d'un canapé, cette narcose comble ta vie. Dans ses plus grands interstices. Démesurés.

Tu la bénis car elle t'éloigne de ces pigeons idiots. Qui s'approchent par dizaines et s'éloignent. S'envolent pour de faux. Miment mal leur crainte répétée. Se posent quelques mètres plus loin, près du banc voisin, cette chimère.

Puis reviennent. Mécaniquement. Le regard de côté, inchangé et outrancier.

Depuis longtemps déjà, tu ne peux plus souffrir ce monde. Tout. Ces cars entiers, venus de loin, qui sacrifient leurs dernières miettes pour les photographier davantage. Toujours plus près des volatiles. Instants improbables, figés à jamais.

En même temps, je crie ton absence au monde, frénétique et excessive.

Et referme la porte sur ton apnée.

vendredi 24 avril 2009

Cahin Chaos

Je songe de plus en plus souvent à déménager. Pour un peu moins grand. Un peu moins cher. Une pièce de moins peut-être. Certainement une pièce de moins.

Je me dis qu'il y a comme une forme de logique à penser cela. Une sorte de loi naturelle qui nous dépasse et à laquelle nous ne pouvons échapper. Supprimer une pièce comme pour se défaire du vide environnant et fuir le manque. Retrouver le cours des choses. Pour eux. Pour moi. Faire que les jours se suivent à nouveau. Imperceptiblement. Comme les perles pour enfants sur un bout de laine fatiguée. Malgré tout.

La veille, elle avait réservé son après-midi pour se trouver une petite robe en vue du mariage d'une lointaine cousine. Peu après le goûter des enfants, elle était revenue la mine réjouie avec une création à prix cassé. A peine arrivée, elle s'était empressée de passer sa trouvaille pour que je puisse l'admirer complètement. La robe était magnifique. Les coutures de biais donnaient à l'étoffe son mouvement à la fois ample et mesuré. Presque intime. Sur sa peau, l'organdi ne semblait que caresse sauvage, comme tissé pour elle seule, à même son corps.
Entre autres choses, elle avait aussi acheté de nouveaux maillots de bain pour les petits, une crème protectrice contre les ultraviolets, un chapeau de paille pour moi et des pastilles pour le lave-vaisselle.

L'été s'annonçait sous les meilleurs auspices.

jeudi 23 avril 2009

PONI HOAX

Quelques dates prochaines des Poni Hoax. Pour ceux qui ne connaissent pas, le clip de leur tube Antibodies
  • 17 avr. 2009 - 20:00 - Unwound Club - Padova, Italy
  • 18 avr. 2009 - 20:00 - Locomotiv Club - Bologne, Italy
  • 30 avr. 2009 - 20:00 - Club Coatelan - Morlaix
  • 1 mai 2009 - 20:00 - L'Ephémère - Vannes
  • 2 mai 2009 - 20:00 - Les Aralunaires - Arlon
  • 8 mai 2009 - 20:00 - Frenc Revolution @ 93 Feet East - London
  • 9 mai 2009 - Les Afters des Nuits Botaniques @ Recyclart - Brussels, Brussels-capital
  • 11 juin 2009 - 20:00 - Caribana Festival - Crans, Genf
  • 12 juin 2009 - 20:00 - Sismic Festival - Sierre, Wallis
  • 26 juin 2009 - 20:00 - Solidays - Paris
  • 4 juil. 2009 - 20:00 - Arvika Festival - Arvika
  • 6 juil. 2009 - 20:00 - Calvi On the Rocks - Calvi, Corse
  • 10 juil. 2009 - 20:00 - Chauffer dans la Noirceur Festival - Montmartin sur Mer, Basse-Normandie

jeudi 16 avril 2009

Hippocrate

Le coin du cabinet, situé à gauche de la fenêtre, derrière le bureau, méritait d’être originalement meublé. Il me fallait trouver quelque chose qui capte le regard des patients. Un élément décoratif fort, porteur d'une signification particulière. Après une heure passée à considérer, sous tous les angles, cet endroit de la pièce, l’idée m’était finalement venue d’installer un buste d’Hippocrate. En plus, que d’attirer les regards, m’asseoir juste à ses côtés allait renforcer ma nouvelle identité professionnelle. Comme placé sous la protection de cet antique parent, premier médecin dans l'esprit de tous. Je n’étais certes pas un descendant naturel d’Hippocrate, ayant consacré tant de jours et de nuits à potasser des manuels de cardiologie et des précis de gynécologie, avec pour seule compagnie la présence silencieuse de barres céréalières. Je n’avais pas non plus frôlé l'arythmie à la réussite de l’internat, ni pris une cuite monumentale la nuit suivante. Non, je n’étais pas tout cela. Et auprès de ce lointain ancêtre, je ne revendiquais qu’une seule chose. Qu’il m’adopte sans autre forme de procès. Pas de serment, pas de reconnaissance officielle. Juste un sentiment de bienveillance, fruit du hasard de la vie.

Après quelques heures de recherche sur différents forums et sites spécialisés, j’avais fini par trouver un buste auprès d’un collectionneur qui accepta de s’en séparer moyennant finances substantielles. Il s’agissait d’une oeuvre en plâtre qui avoisinait les soixante centimètres de hauteur. Le marbre comme matériau m’aurait davantage plu mais je n’avais ni le temps ni l’argent pour poursuivre mes recherches en ce sens. J’avais expressément demandé au collectionneur d’être rapide dans l’envoi du colis et même de faire appel à un coursier, le cas échéant. Je n'imaginais pas un seul instant recevoir mon premier patient sans la présence d'Hippocrate. A chacun son gri-gri.

dimanche 12 avril 2009

She's Lost Control

She's Lost control, Joy Division

Confusion in her eyes that says it all.
She's lost control.
And she's clinging to the nearest passer by,
She's lost control.
And she gave away the secrets of her past,
And said i've lost control again,
And a voice that told her when and where to act,
She said i've lost control again.

And she turned around and took me by the hand and said,
I've lost control again.
And how i'll never know just why or understand,
She said i've lost control again.
And she screamed out kicking on her side and said,
I've lost control again.
And seized up on the floor, i thought she'd die.
She said i've lost control.
She's lost control again.
She's lost control.
She's lost control again.
She's lost control.

Well i had to 'phone her friend to state my case,
And say she's lost control again.
And she showed up all the errors and mistakes,
And said i've lost control again.
But she expressed herself in many different ways,
Until she lost control again.And walked upon the edge of no escape,
And laughed i've lost control.
She's lost control again.
She's lost control.
She's lost control again.
She's lost control.

I could live a little better with the myths and the lies,
When the darkness broke in, i just broke down and cried.
I could live a little in a wider line,
When the change is gone, when the urge is gone,
To lose control, when here we come.




samedi 11 avril 2009

Dans la peau de Nicolas

Editions Le Serpent à plumes


"Le premier roman positif sur Nicolas Sarkozy ; un ton vif et enjoué ; un angle original et décalé. Nicolas Sarkozy est un type étrange, maladroit, qui s’agite dans tous les sens, mais qui a souvent raison sur le fond. C'est un personnage de roman évident. J’ai eu envie d’essayer de le comprendre. Pour écrire ce livre, je me suis glissé dans ses mocassins à glands. J’ai fait l’amour à Cécilia et Carla à bord du Falcon présidentiel. J’ai comparé les deux. J’ai serré des millions de mains et baillé en conseil des ministres. On m’a attaqué dans tous les journaux et on m’a accusé de contrôler les médias. Pour écrire ce livre, j’ai pris tous les risques. Comme écouter du Mireille Mathieu et du Enrico Macias en musique de fond. Je mets au défi n’importe quel écrivain d’écrire une ligne en écoutant “Enfant de tous Pays”.


Dans la peau de Nicolas est donc le roman intime du président. Le premier livre positif sur Sarkozy, puisqu’écrit à la première personne par Nicolas lui-même. Dans la peau de Nicolas est un roman écrit à la première personne par quelqu'un qui l'aime bien. David Angevin souhaite qu'on lui pardonne d’avance d’être un réac (avec plein d’amis bronzés), un ami du grand capital (sans un rond), de soutenir l’homme qui donne les clés de la France à Israël et l’Amérique. Il aime bien le nouveau président."

Grec cherche Grecque

Grec cherche Grecque, Friedrich Dürrenmatt

« Mon Dieu ! » fit Madame Bieler stupéfaite. « Vous êtes Grec ? » et elle considéra fixement le physique épais, balourd et plutôt nordique de M. Archilochos.
« Oh, je sais bien, Madame Bieler » dit-il humblement « que je n'ai pas exactement ce qu'on appelle le type grec, et il y a d'ailleurs très longtemps que mon ancêtre a immigré dans ce pays et est mort à Nancy au côté de Charles le Hardi. Non, je n'ai plus le type grec. Je l'avoue. Mais maintenant, Madame Bieler, dans cette brume, par ce froid et sous cette pluie, j'ai la nostalgie de mon pays – cela m'arrive souvent l'hiver – de mon pays que je n'ai jamais vu, du Péloponnèse avec ses roches rouges et son ciel bleu (j'ai lu quelque chose là-dessus dans Match) et c'est pourquoi je ne voudrais épouser qu'une Grecque car elle doit se sentir ici aussi seule que moi »
« Vous êtes un vrai poète » avait alors répondu Georgette et elle s'était essuyé les yeux.

Rêve


A l'hôtel, la nuit qui suivit me fut pénible et agitée. Je fis ce rêve étrange dans lequel j'apparaissais comme le gendre de François Mitterrand de par un mariage en catimini avec Mazarine Pingeot. Nous étions à la campagne, dans une maison de famille ou quelque chose comme ça et profitions de la joie simple et authentique d'un grand feu de bois qui crépitait. Près de l'âtre situé sur le mur de refend, assis dans un Voltaire, le Président grillait silencieusement des brochettes de marshmallows qu'il tenait fermement, le bras tendu et immobile, au dessus des flammes. Blottie contre moi, Mazarine attendait patiemment la caramélisation de la guimauve tout en évoquant le rôle fondamental du conatus, expression de la puissance d'une chose ou d'un individu, dans la théorie des affects chez Spinoza. Je l'écoutais en contemplant, au loin, le jour céder derrière une haie vive de grands châtaigniers.

Le salon communiquait par un étroit corridor, long d'une bonne dizaine de mètres, avec une petite pièce toute carrelée et sans fenêtre. Une pièce d'armes peut-être dans laquelle mon patron discourait avec des Danois à l'air grave et hautement cravatés. Il négociait des marges arrières tout en dépeçant le gibier chassé et tué l'après-midi même. Au fond de la pièce, une odeur de poudre émanait des longs canons de carabines Winchester impeccablement rangées dans un porte-fusils en merisier. Sur la gauche, la porte entrouverte d'une cuisine. Apparaissant dans l'embrasure et déjouant les hasards de la vie, Danièle laissait un apollon, collé à elle, guider ses mains armées d'un couteau dans la découpe d'une énorme dinde. Il se pouvait que l'on soit à Noël.

Tout le bonheur du monde semblait comme s'être amassé dans ce coin de campagne, à l'abri du monde et des affres de la République, entre les murs épais de cette chartreuse à l'atmosphère particulière. Le jeu des contrastes accentuait le caractère intemporel de l'ensemble. Comme une aquarelle de Turner, en clair-obscur. Le sentiment partagé de sérénité ne dura qu'un temps, jusqu'à ce que mon beau-père ne s'étouffe avec une boule de guimauve brûlante. Subitement, il lâcha piques et brochettes, se saisit à la gorge et tenta de recracher, en vain la sucrerie coincée dans sa trachée. Mon patron accourut, les Danois dans ses pas. Tout le monde gesticulait en hurlant tandis que Mazarine pleurait en observant son Président de père suffoquer.

Comme par enchantement, un médecin arriva, un stéthoscope autour du cou, mais s'évanouit aussitôt à la vue du Président au bord de l'asphyxie. L'instinct me poussa alors à me placer derrière mon beau-père. Je lui relevai les bras et l'encerclai des miens au niveau de la poitrine. Le manque d'oxygène le rendait inerte comme une poupée de chiffon. Les poings serrés contre son sternum, je donnai un violent coup qui le libéra. Le bout de guimauve tomba au sol, roula quelques mètres et s'immobilisa sur le seuil de l'entrée. Après s'être relevé et avoir retrouvé ses esprits, le Président me prit par l'épaule et nous fîmes quelques pas vers un endroit plus au calme. Il me remercia d'une sincère et chaleureuse poignée de mains avant de me glisser à l'oreille que la République Française, dans l'instant présent, ne pouvait savoir à quel point elle me devait une fière chandelle.

Le radio-réveil se mit en marche à six heures et trente minutes. J'ouvris difficilement les yeux en même temps que les ondes diffusaient Salma Ya Salama de Dalida.

Décapage n° 38


Le 15 avril 2009 dans toutes les bonnes librairies...

Septième sonnerie

A la septième sonnerie, je me décidai de répondre. Tout en me dirigeant vers le téléphone situé dans l'entrée, je ne sais quelle inspiration me transforma illico en tireur d'élite pour une obscure et secrète organisation. Posté sur le toit d'un immeuble, j'étais vêtu d'une combinaison noire moulante avec plein de poches vides partout et d'une cagoule de commando, celle qui ne laisse apparaître que les yeux et la bouche. Aux pieds, j'avais ces espèces de Rangers souples qui maintiennent la cheville à la perfection. Celles que portent les types du GIGN ou certains convoyeurs de fonds, spécialement conçues pour les situations extrêmes genre descente en rappel ou Mawashi Geri, coup de pied circulaire. Allongé de tout mon long, immobile, l'œil droit rivé au viseur de mon arme, je ressentais en même temps que les battements de mon cœur contre le sol le poids de la responsabilité sur mes épaules. Pas un seul instant je ne quittais du regard cette fenêtre ouverte de l'immeuble d'en face, située un peu en contre-bas, et au milieu de laquelle flottait un rideau censé représenter un moine tibétain au volant d'une Ferrari parmi un improbable paysage chinois. Rien ni personne ne pouvait me soustraire à ma mission surtout pas l'odeur soutenue d'urine émanant du sol bitumeux de cette toiture-terrasse. Le doigt professionnel sur la gâchette de mon fusil à longue portée, je n'attendais qu'une seule chose : au top signal dans mon oreillette, mettre deux balles dans la tête de celui que j'apercevais très distinctement dans mon viseur, au travers du voilage affreux et de ses rizières flottant désespérément au vent.