jeudi 16 avril 2009

Hippocrate

Le coin du cabinet, situé à gauche de la fenêtre, derrière le bureau, méritait d’être originalement meublé. Il me fallait trouver quelque chose qui capte le regard des patients. Un élément décoratif fort, porteur d'une signification particulière. Après une heure passée à considérer, sous tous les angles, cet endroit de la pièce, l’idée m’était finalement venue d’installer un buste d’Hippocrate. En plus, que d’attirer les regards, m’asseoir juste à ses côtés allait renforcer ma nouvelle identité professionnelle. Comme placé sous la protection de cet antique parent, premier médecin dans l'esprit de tous. Je n’étais certes pas un descendant naturel d’Hippocrate, ayant consacré tant de jours et de nuits à potasser des manuels de cardiologie et des précis de gynécologie, avec pour seule compagnie la présence silencieuse de barres céréalières. Je n’avais pas non plus frôlé l'arythmie à la réussite de l’internat, ni pris une cuite monumentale la nuit suivante. Non, je n’étais pas tout cela. Et auprès de ce lointain ancêtre, je ne revendiquais qu’une seule chose. Qu’il m’adopte sans autre forme de procès. Pas de serment, pas de reconnaissance officielle. Juste un sentiment de bienveillance, fruit du hasard de la vie.

Après quelques heures de recherche sur différents forums et sites spécialisés, j’avais fini par trouver un buste auprès d’un collectionneur qui accepta de s’en séparer moyennant finances substantielles. Il s’agissait d’une oeuvre en plâtre qui avoisinait les soixante centimètres de hauteur. Le marbre comme matériau m’aurait davantage plu mais je n’avais ni le temps ni l’argent pour poursuivre mes recherches en ce sens. J’avais expressément demandé au collectionneur d’être rapide dans l’envoi du colis et même de faire appel à un coursier, le cas échéant. Je n'imaginais pas un seul instant recevoir mon premier patient sans la présence d'Hippocrate. A chacun son gri-gri.

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